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HISTO BLERIOT
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1 mars 2012

LOUIS BLERIOT RACONTE SA TRAVERSEE.

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- Un réveil sans enthousiasme -

Que dit Blériot lui même ?

"Mon réveil ce matin-là fut plutôt pénible, je ne sais pour quelle raison mon ami Alfred Leblanc, l'homme dévoué par excellence, m'avait réveillé à deux heures et demie mais j'avoue que je n'étais nullement disposé à partir, je voyais même les choses en noir et j'aurais été heureux d'entendre dire que le vent soufflait si fort qu'aucune tentative n'était possible.

Leblanc me remonta un peu et m'emporta dans son auto. J'étais sauvé. L'air vif qui me fouetta le visage me réveilla tout à fait. J'eus un peu de honte de mon mouvement de faiblesse. J'avais, cette fois, du courage pour deux.

Aux Baraques, Mamet et Colin, mes deux mécaniciens ont ouvert la tente et le monoplan sort de la cour de ferme. Malgré l'heure matinale le village est debout et, de minute en minute, des autos arrivent. Il y a bientôt quelques centaines de personnes. Cela me gêne un peu. J'aurais tant voulu être seul !

Nous décidons, Leblanc et moi, qu'un essai préliminaire va avoir lieu. L'appareil s'élève aisément. La surcharge du cylindre d'air n'en diminue que faiblement la puissance. J'ai une hélice nouvelle qui tire à la perfection. Je reste une dizaine de minutes dans les airs, agréablement surpris de constater un petit vent frais qui vient de terre, un vent de marée qui me poussera vers la Manche.

- L'instant du départ -

Tout est prêt. Fidèle au règlement, j'attends le lever du soleil. Leblanc bientôt m'indique que le disque est apparent au moyen d'un fanion qu'il agite sur la dune. C'est le signal.

Une petite émotion s'empare de moi au moment où je prends place dans l'appareil. Je me dis: "Que va-t-il m'arriver? Irai-je jusqu'à Douvres?" réflexions rapides, fugitives, qui ne durent pas, heureusement.

Je ne pense plus maintenant qu'à mon appareil, au moteur, à l'hélice.Tout est en mouvement, tout vibre. Au signal les ouvriers lâchent l'appareil. Me voilà soulevé. Je pique droit devant moi, m'élève progressivement de mètres en mètres . Je franchis la dune d'où Leblanc m'envoie ses souhaits.

Je suis à présent au dessus de la mer, laissant à ma droite le contre-torpilleur dont la fumée opaque obscurcit le soleil. Dieu ! si tout à coup on allait m'objecter que Phébus n'est pas au premier tiers de sa course ! Je vais, tranquillement, sans aucune émotion, sans aucune impression réelle.

Il me semble être en ballon. L'absence de tout vent me permet de ne faire agir aucune commande de gouvernail ou de gauchissement. Si je pouvais bloquer ces commandes  je pourrais mettre les deux mains dans les poches. Il me semble ne pas aller vite. Cela tient, je crois, à l'uniformité de la mer.

Au dessus de la terre les maisons, les bois, les routes apparaissent et disparaissent comme dans un rêve. Au dessus de l'eau, la même vague semble-t-il, se présente toujours à la vue. Je suis content de mon appareil. Sa stabilité est parfaite et le moteur, quelle merveille ! Ah ! mon brave Anzani, il ne bronche pas!

- Entre ciel et mer -

Mais j'avais mangé mon pain blanc dans la première demi-heure. Ne voulant pas retarder ma marche, j'avais fait mon deuil de l'Escopette et je n'avais plus de guide. Tant pis..advienne que pourra ! Pendant une dizaine de minutes je suis resté seul, isolé, perdu au milieu de la mer intense, ne voyant aucun point à l'horizon, ne percevant aucun bateau.

Ce calme, troublé seulement par le ronflement du moteur fut un charme dangereux dont je me rendis fort bien compte. Aussi, j'avais les yeux fixés sur le distributeur d'huile et sur le niveau de consommation d'essence. Ces dix minutes me parurent longues et vraiment je fus heureux d'apercevoir, vers l'est, une ligne grise qui se détachait de la mer et qui grossissait à vue d'oeil. Nul doute, c'était la côte anglaise. J'étais presque sauvé.

- L'approche de la côte Britannique -

Je me dirige aussitôt vers cette montagne blanche mais le vent et la brume me prennent. Je dois lutter avec mes mains, avec mes yeux. Heureusement, mon appareil obéit docilement à ma pensée. Je le dirige vers la falaise et cependant je ne vois pas Douvres ? Ah ! Diable ! Où suis je donc ?

Trois bateaux s'offrent à ma vue. Des remorqueurs, des paquebots ? peu importe !. Ils paraissent se diriger vers un port : Douvres sans doute, et je les suis tranquillement. Des marins m'envoient des hourras enthousiates. J'ai presque envie de leur demander la route de Douvres. Hélas ! je ne parle pas l'anglais. Je longe, nonobstant la falaise du Nord au Sud, mais le vent contre lequel je lutte maintenant reprend de plus belle.

Soudain, au bord d'une anfractuosité qui se dessine sur la côte, j'aperçois un homme qui agite désespérément un drapeau tricolore...J e me souviens alors de la lettre de ce bon Fontaine et je m'écrie transporté : " Ah ce brave garçon ! " . Une joie folle s'empare de moi. Je ne dirige pas, je me précipite plutôt vers la terre où il m'appelle et j'en éprouve une douce émotion.

Il s'agit maintenant d'atterrir ;  mais le remou est violent et, dès que je m'approche du sol, un tourbillon me soulève. La lutte dure peu cependant, car je ne puis rester longtemps dans les airs . Je venais de franchir 43 km environ en une demi-heure. C'était suffisant. Aussi, au risque de tout casser, je coupe l'allumage à 20 m de hauteur.

- Un atterrissage historique -

Et maintenant, au petit bonheur ! Le châssis se reçoit plutôt mal ; l'hélice est endommagée, mais ma foi, tant pis ! J'avais traversé la Manche."

Charles Fontaine, quant à lui, rapporte en ces termes l'arrivée de Louis Blériot : "L'homme volant vient d'atterrir ... tranquillement , Blériot descend de sa machine et vient vers moi. Je l'embrasse ... tout en l'enveloppant dans les plis de mon drapeau. Mais cet homme si hardi, si courageux ne trouve rien à me dire. Il a les yeux boursouflés et les paupières noircies par la fumée de charbon en mer ; mais son front est épanoui.

- Eh bien ! ça y est ! lui dis je simplement.

- C'est fait ! me répond-il de l'air le plus tranquille au monde.

Puis il parle d'une voix calme :

- En pleine mer j'ai perdu ma route au large des côtes d'Angleterre. Je ne pouvais plus apercevoir Douvres, j'allais m'égarer, je ne sais où , quelque part sur une falaise , quand j'ai aperçu votre drapeau. J'ai compris aussitôt et tourné immédiatement à ma gauche et vous ai suivi pour atterrir ensuite à l'endroit par vous désigné. Pris cependant par un tourbillon de vent, j'ai dû descendre un peu précipitamment. Mon hélice est brisée mais le reste de l'appareil est intact.

BLERIOT, le premier à avoir traversé la Manche.

Une seule chose, à ce moment, semble préoccuper Blériot.

- Et Latham ? me dit-il.

- Latham est encore à Sangatte.

A cette réponse,son visage s'éclaire.

- Je suis vraiment heureux d'être le premier à avoir réussi la traversée de la Manche , dit-il.

Et ce fut tout.

BLERIOT ne manifesta pas autrement sa joie et son enthousiame.

L'aviateur s'est posé sur un terrain en pente, et, le contact avec le sol ayant été assez brutal, le train d'atterrissage s'est replié sous les ailes. Mais qu'importe, l'objectif est atteint, Blériot a vaincu la Manche, et, si à cette minute il ne mesure pas pleinement tout ce qu'implique son exploit, les jours et les semaines qui viennent vont l'y aider.

Quelques instants plus tard, plusieurs dizaines de soldats accourent, bientôt suivis de quelques marins puis d'une nuée de journalistes et de photographes.

Confiant la garde de son monoplan désormais historique à quelques policiers, Blériot,  toujours accompagné de Fontaine, se rend en automobile au port de Douvres où  l'Escopette vient de jeter l'ancre.

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